Revue de Presse

Les start-up studios, fabriques à jeunes pousses

Apparu en Allemagne en 2007, le concept de start-up studio a depuis quelques années le vent en poupe, surtout en France. Il désigne une entreprise dont l’objectif consiste à créer, à partir d’une page blanche, des start-up destinées, le plus souvent, à répondre aux besoins de grands groupes. Intervenant sur l’ensemble du processus, de l’élaboration du projet jusqu’au recrutement des équipes, ces structures ciblent la plupart des secteurs d’activité, dont la finance.

 

L’ambition de Nest ? Donner naissance à 15 champions européens de l’agritech sur huit ans. De son côté, Manine, compte développer des solutions destinées à faciliter la vie des entreprises. Prunay Impact Studio entend, lui, créer des pépites dans les secteurs de l’assurance et de la greentech. Quant à Marble, il projette de concevoir des deeptech œuvrant notamment à la décarbonation de l’industrie chimique. Lancées au cours des derniers mois en France, ces entreprises françaises ont chacune choisi de se positionner sur des domaines différents. Elles n’en présentent pas moins un point commun : toutes, en effet, sont des « start-up studios ».

Un processus en trois étapes

Apparu à Berlin avec la création de Rocket Internet, en 2007, ce concept désigne une structure dont la mission consiste à créer une multitude de start-up. On parle aussi parfois de « start-up factories » ou de « venture studios ». Bien que l’on retrouve quelques similitudes avec les incubateurs et les accélérateurs, les start-up studios se distinguent de ceux-ci à plusieurs titres. « A la différence de ces derniers, qui vont accompagner une jeune pousse déjà créée pour l’aider à se développer, nous partons de zéro, explique David Descheemaeker, directeur général délégué aux opérations d’Alacrité France, un start-up studio lillois. Concrètement, nous commençons par identifier un besoin exprimé par un acteur industriel, avant d’élaborer un projet. Si son potentiel commercial vient à se confirmer à l’issue d’un travail d’évaluation, nous recrutons ensuite des équipes dont la tâche sera alors de le développer sur une période de 12 mois.» Emanation du réseau international Alacrity, originaire du Canada, Alacrité France a ainsi créé 11 start-up technologiques depuis 2017, parmi lesquelles PrivaMap (sécurisation des flux de chauffeurs sur les sites industriels), OverSOC (cybersécurité), Customs Bridge (simplification des procédures douanières), TrustEat (réfrigération industrielle) ou encore Phedone (relations clients).

Plus d’une cinquantaine de structures en France

Au total, plusieurs centaines d’entreprises innovantes ont déjà vu le jour dans les murs de start-up studios français. Alors que les premiers d’entre eux (Eleven, Planetic, etc.) ont émergé à partir de 2008, on en recense plus d’une cinquantaine aujourd’hui, comrne par exemple Bricks (médias), Factoiy 319 (santé et biotechs), Mobility Founders (mobilité), Sparkling Partners (généraliste), 321founded (généraliste) ou encore Logic Founders (fintech), qui a été lancé par eFounders (logiciels d’entreprise), l’un des pionniers. « Depuis 2011, nous avons lancé 35 start-up, dont trois sont devenues des licomes : Aircall (solutions de téléphonie d’entreprise reposant sur le cloud), Front (relations clients) et Spendesk (gestion des dépenses au sein des entreprises) », souligne Thibaud Elzière, fondateur du « méta-studio » Hexa, qui chapeaute eFounders, LogicFounders et 3founders. Ce dernier est spécialisé dans le Web3, à savoir le web décentralisé exploitant la technologie blockchain. A l’instar d’Hexa, l’offre des jeunes pousses constituées par les divers start-up studios s’adresse, dans la large majorité des cas, aux entreprises, une clientèle dont la conquête estjugée plus aisée.

Un intérêt croissant de la part des grands groupes

D’après les professionnels concemés, ce foisonnement tient en grande partie à la volonté d’un nombre croissant d’individus d’entreprendre, et à celle d’entrepreneurs à succès de s’engager simultanément dans plusieurs projets. Mais il est aussi, et surtout, entretenu par l’intérêt des grands groupes, qui verraient dans ces structures une troisième voie efficace pour renforcer leur stratégie d’innovation. Car si certains studios se contentent de développer, avec les entrepreneurs qu’ils recrutent, des solutions qui seront ensuite vendues aux entreprises, d’autres privilégient une approche plus inclusive avec ces mêmes entreprises. « La création de 321founded en 2019 a découlé de discussions avec des dirigeants de grands groupes qui, du fait de la lourdeur de leur organisation, éprouvaient des difïicultés à développer en inteme les innovations dont ils avaient besoin, en dépit de moyens fmanciers substantiels, témoigne Patrick Amiel. Quant aux tentatives de partenariats avec des start-up, elles tournent souvent mal en raison, notamment, du choc de culture entre ces deux mondes. Avec notre start-up studio, les entreprises viennent nous voir, nous exposent leur besoin puis nous travaillons, main dans la main, sur l’identification et l’évaluation d’opportunités de nouveaux business avant de prendre la décision de lancer – ou pas – une nouvelle venture dédiée à cette activité. » Depuis ses débuts, 321founded a fondé 12 start-up, en collaboration avec notamment VialD (mobilité), le PMU, le cabinet d’avocats August Debouzy ou encore Britanny Ferries. Convaincus du potentiel des start-up studios, certains groupes vont même plus loin en déployant leur propre studio. C’est par exemple le cas du Crédit Agricole avec La Fabrique, d’AXA avec Karnet Ventures, du spécialiste de l’assurance et des services technologiques dédiés aux entreprises Candide avec Manine, d’EDF avec EDF Pulse Factoiy et d’icade avec Urban Odyssey. A en croire les intéressés, l’écosystème français des start up studios, encore jeune, n’est pas près de se consolider, d’autant que les investisseurs se montrent de plus en plus enclins à soutenir leur essor. « Nous réfléchissons à créer de nouveaux studios, par exemple dans le domaine de la santé, de l’éducation et du climat », illustre Thibaud Elzière. Dans le sillage de l’Essec qui, en partenariat avec CY Cergy Paris Université, a innové fin 2022 en se dotant d’un start-up studio dédié à l’innovation durable, la thématique environnementale est au coeur de nombreux projets du moment.

 

(10/03/2023 – Source : Option Finance)