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CustomsBridge sur Europe 1 - avril 2022

9,5 milliards pratiquement de déficit commercial pour la France encore le mois dernier. On importe beaucoup plus que l’on exporte. Alors on a quand même des entreprises exportatrices, mais alors l’expérience du passage en douane, paraît-il que c’est quelque chose. On en parle ce matin avec Charles Devaux, cofondateur et directeur commercial de CustomsBridge. (…) Alors CustomsBridge c’est une deeptech, une startup qui exploite l’intelligence artificielle pour simplifier la classification des produits  pour leur passage en douane, parce que c’est ce que je disais : quand on veut exporter des biens hors de France ou même en faire venir en France, il y a  cette étape extrêmement complexe du passage en douane. Alors racontez-nous ce que vous faites exactement, et quels problèmes vous entendez résoudre.

Charles Devaux : Merci Dimitri. En effet comme le sujet est assez technique, je vais commencer par un exemple concret relativement simple qui va vous permettre de comprendre la problématique à laquelle on répond. Récemment une grande enseigne de distribution a importé l’équivalent de cinq containers de porte-serviettes en bambou et a dû en détruire l’intégralité. La raison c’est que la douane a estimé à juste titre que des enfants pouvaient grimper sur ce porte-serviettes et qu’il devait donc respecter les normes de sécurité d’une échelle. Le code douanier que vous avez évoqué tout à l’heure était donc erronée et l’ensemble de la marchandise a dû être détruit.

Il fallait le code douanier d’une échelle et non d’un porte-serviette pour ce produit-là. Et donc des codes douaniers, combien y en a-t-il aujourd’hui Charles Devaux ? 

Charles Devaux : Il y a des milliards de produits qui traversent les frontières chaque jour, il ne peut donc pas y avoir un code douanier pour chaque produit. La douane a donc construit une sorte de gigantesque arbre de décisions pour lequel il existe 25 000 possibilités, 25 000 codes douaniers desquels vont découler des droits et des mesures en fonction de ces codes.

Donc la solution que vous apportez c’est que grâce à l’intelligence artificielle vous simplifiez et surtout vous accélérez le processus de classification de chaque produit. L’idée étant d’en arriver à ne jamais se tromper pour éviter la mésaventure de notre porte-serviette.

Charles Devaux : C’est tout à fait ça. Grâce à l’accompagnement d’experts douaniers et d’acteurs métier, on a développé chez Customs Bridge une solution qui permet, en utilisant la puissance de l’intelligence artificielle, capable de traiter une masse de données conséquente, à mettre en face un moteur de recherche textuel qui va suggérer des codes douaniers à nos utilisateurs.

Mais ça arrive fréquemment la mésanventure du porte-serviette ?

Charles Devaux : Alors, des blocages ça arrive très régulièrement. Sachez qu’en France chaque année il y a plus de 440 millions d’euros d’amendes qui pour la plupart sont dus à une erreur de classement douanier.

Et vous arrivez à tomber à zéro erreur avec votre système chez Customs Bridge ?

Charles Devaux : On y tend, c’est l’objectif. On est sur de l’aide à la décision. L’outil utilise la puissance de l’intelligence artificielle pour donner la bonne information au bon endroit au bon moment à l’utilisateur, pour qu’il puisse déjà aller beaucoup plus vite – 3 à 4 fois plus rapide – et également sécuriser son choix, diminuer le risque, avec les conséquences dont on a parlé plus tôt : blocages, destructions, amendes, …

Le sujet des douanes s’est invité à plusieurs reprises dans l’actualité ces dernières années. Je citerai évidemment le Brexit, avec le retour de barrières qui n’existaient plus entre le continent européen et le Royaume-Uni. Il y a eu aussi les fameuses guerres commerciales, notamment entre l’Europe et les États-Unis. Ce sujet douanier, quand on est une entreprise exportatrice ou qu’on est un importateur, est-ce qu’il constitue aujourd’hui un problème important ?

Charles Devaux : Oui, c’est une prise de conscience qui est comme vous l’avez dit d’autant plus d’actualité avec le Brexit. Pour la plupart des entreprises c’était perçu, la douane, comme la cinquième roue du carrosse, et mal équipé. C’est aussi ce qui justifie la création de notre start-up. Et aujourd’hui avec le Brexit, beaucoup d’entreprises ont dû, alors qu’elles ne le faisaient pas auparavant, remplir ces formalités de dédouanement, et ont pris conscience de l’enjeu stratégique que ça pouvait être pour elles.

C’est aussi un enjeu budgétaire pour les États, pour les organisations, et notamment aussi l’Union Européeenne. Plus c’est fluide, moins il y a d’erreurs et mieux tout le monde se porte finalement.

Charles Devaux : Oui, et c’est là où l’on tend à faciliter justement ces processus douaniers. Le nom CustomsBridge n’est pas anodin : en Français « le pont des douanes« , c’est être capable de rendre plus simple, plus compréhensible et plus accessible à tous ces procédures douanières pour que la douane ne soit plus perçue comme un centre de coûts, risqué et anxiogène, mais qu’elle devienne une source d’opportunité, un atout stratégique pour les entreprises.

Alors Charles Devaux, racontez-nous un peu aussi CustomsBridge. On voit que c’est une aventure 100% nordiste. Vous êtes basés à Lille. Le concept vient d’un dirigeant d’Adeo, c’est la maison-mère de Leroy-Merlin. Mon petit doigt me dit que cette histoire de porte-serviette peut-être aurait un rapport avec la fameuse enseigne. Je rappelle que Leroy Merlin c’est la famille Mulliez. Vous êtes aussi soutenus par OVH Cloud qui est basé à Roubaix. Il se passe quoi dans le nord autour de l’Intelligence Artificielle ?

Charles Devaux : Il y a une vraie émulation, effectivement on est basés à Euratechnologies à Lille, qui est l’un des plus gros incubateurs d’Europe, et comme vous l’avez dit CustomsBridge est né d’une problématique métier. L’histoire du porte-serviette n’est pas lié à Adeo pour information, mais c’est un de leurs confrères. Le constat qu’a fait le responsable transport et douane chez Adeo il était là : il y a des problématiques douanières avec des contentieux assez salés qu’il rencontrait lui chez Adeo, et ce besoin de fluidifier, simplifier, avec des outils, avec des nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle qui peuvent permettre justement de faciliter le travail de l’être humain qui lui a l’expertise dans la prise de décisions.

Votre solution technologique, elle est prête ? Elle est disponible sur le marché ?

Charles Devaux : Complètement! La startup a été créée il y a un an et demi. Le projet date de plus de 2 ans et demi. On a déjà commercialisé un produit de conformité, d’aide au classement douanier. Donc on a nos premiers clients depuis la fin de l’année dernière. On a également lancé depuis ce début d’année un partenariat avec la SOGET, pour proposer un outil opérationnel de déclaration douanière, parce que le classement douanier n’est qu’une étape-clé de la déclaration douanière. Et aujourd’hui on envisage aussi de proposer une solution stratégique d’aide au sourcing aux entreprises.

Qu’est-ce que vous appelez l’aide au sourcing ?

Charles Devaux : L’aide au sourcing c’est l’aide à l’approvisionnement. Repenser sa stratégie d’approvisionnement les entreprises pour permettre un approvisionnement plus proche, plus écoresponsable.

L’IA peut être une solution aux ruptures d’approvisionnement que toutes les industries connaissent en ce moment ?

Charles Devaux : Exactement! Avec l’intelligence artificielle qu’on a dans notre outil, on a un visuel, un aperçu géographique qui met en face les droits de douane et les mesures en vigueur en fonction du pays d’origine pour une marchandise. Donc avec cet aperçu, on est capables de voir s’il existe des accords de libre-échange, des exonérations de droits de douane pour repenser sa stratégie d’approvisionnement plutôt que logiquement, automatiquement, s’approvisionner en Asie où le coût des marchandises est relativement bas, mais vous savez bien que le coût du Fret a explosé depuis quelques années. En pensant cette stratégie douane et en anticipant les accords de libre-échanges qui peuvent exister, on peut s’approvisionner de manière plus stratégique et plus écologique, avec un approvisionnement plus proche.

 

15/04/2022 – Source : Europe 1